Esport : comment trouver du financement

Stéphane
16 min readDec 9, 2018

Petit manuel de savoir-faire à l’usage des débutants.

Update du 17 dec 2019 : Enzo, maintenant que tu as déposé le bilan de ton agence esport et que tu as décidé d’ouvrir un studio de jeux vidéo à la place, sachez que j’ai réalisé un Guide des financements privés/publics pour toi ! Ce document comporte + de 150 sources de financement structurées par type et continuellement MAJ

Update du 23 avril 2019 : Enzo, si tu es dans la plonk-list des sponsors, sache qu’il existe de nombreuses manières de se financer : prêts, levées de fonds, crowdfunding etc. Tu peux consulter les slides de cette conférence à la GamerAssembly que j’ai animée avec un VC spécialisé et des startupeurs esports

A un évenement mondain j’ai récemment croisé un de mes confrères banquiers, Laurent, passionné comme moi de jeux vidéo et de dérivés de crédits. Il travaille, le pauvre, dans un établissement concurrent qui n’a pas encore investi le terrain de l’esport. Résultat : il fait un temps magnifique et pendant qu’avec mes petits camarades on fait des bombes dans la piscine, lui et son équipe nous regardent d’un air concupiscent à travers les vitres sales des vestiaires. Au retour dans le bus, il me dit tristement : “Tout de même, tu as eu de la chance…chez nous les managers sont plus difficiles à convaincre !”

J’aurais aimé lui dire que oui, ses managers étaient différents. Plus vieux. Plus conservateurs. Des durs à cuire, old-school, averses au risque et qui, du haut de leur duplex donnant sur le parc Monceau, contemplent un monde qui change avec l’incompréhension de l’homme blanc qui trouve normal que les passantes s’écartent sur son chemin. Mais c’est faux. Je crois que les hommes & les femmes qui composent le CAC40 se ressemblent tous : même si l’on ne joue pas soi même, on a tous un adolescent qui tryharde sur Fortnite et qui nous force à couper le WiFi pour qu’il descende manger avec le reste de la famille.

Si un vétéran de la finance rencontre des difficultés pour convaincre en interne…je vous laisse imaginer l’énormité du challenge pour Enzo, président de la team Counter Strike de son BTS provincial qui envoie le coeur bouffi d’espoir un email à accueil@CAC40.com expliquant “que l’esport remplit des stades de millenials et qu’il se tient à disposition de son interlocuteur pour présenter son projet esport”.

Cher Enzo, je te joins ici quelques trucs et astuces qui te permettront -j’espère- de gagner un peu de temps dans ta recherche d’un sponsor, si possible non endémique et encore mieux : du CAC40. Et de ne pas te tenir trop longtemps à sa disposition, sous peine de mourir d’ennui.

“Il va me répondre, puisque je lui ai envoyé un email”

Endémique ton sponsor

La première fois que j’ai entendu ce terme, j’ai fait comme tout le monde : semblant de le connaître. L’expression “non-endémique” est néanmoins consacrée et désigne, dans le jargon, les entreprises qui n’ont rien à voir avec les jeux vidéo, exemple : Ikea, Renault ou Durex.

De l’autre côté du spectre, les entreprises “endémiques” : éditeurs de jeux, vendeurs de matériel de gaming, par extension les F.A.I et même fabricants de boissons énergétiques. Là où les seconds sont obligés de connaître leur cible pour survivre, les premiers pouvaient jusqu’à récemment continuer d’ignorer, voire de mépriser, ce qui est devenu le loisir majoritaire de toute une classe d’âge. Enfin ça, c’était jusqu’à ce qu’ils découvrent la facture des skins Fortnite de leurs enfants.

Pour simplifier, le CAC40 est essentiellement non-endémique. La bonne nouvelle, c’est qu’ils sont riches. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il va vous falloir armer de patience pour leur faire comprendre ce qu’est un jeu vidéo. Ce sont pourtant des gisements encore inexploités d’investissements dans l’esport. Alors creusons.

Dans ce coffre se cache un sponsor

Quelques vilaines généralités

A en croire les DRH, la richesse d’une entreprise ce sont “ses hommes, ses femmes et sa diversité”. L’usine à gaz organisationnelle qu’il faut bâtir pour que tout le monde vienne bosser à peu près de bonne humeur le matin est d’une complexité byzantine. Raison pour laquelle Microsoft ou SAP entretiennent une décurie de commerciaux plein temps dont l’unique objectif est de se caler sur le rythme de vie de la bête pour, le moment venu, l’achever d’un contrat de plusieurs dizaines de millions. Malheureusement, même si on ne veut que quelques dizaines de milliers d’euros, la tâche ne sera pas 1000 fois plus facile et en terme de force de frappe commerciale, Enzo n’a pour ainsi dire que sa bite et son clavier.

Heureusement, les grandes organisations font émerger un management assez prévisible qui agit sur la base de critères simples. Ceux-ci dépendent du positionnement hiérarchique, du service de rattachement et des comportements encouragés par les grosses structures. Bref, quand on sait comment ça marche c’est un peu plus facile. Donc très rapidement :

  • Un décisionnaire reçoit plusieurs centaines d’emails par jour, partez du principe qu’il ne répondra pas. Préférez un mail de quelques lignes avec la problématique posée dans le titre, exemple “Sponsoriser l’esport pour renforcer l’attractivité du marché jeunes”. Pas de relance intempestive sinon vous passez dans le filtre “emmerdeurs”. Si au bout d’une relance et de quelques jours d’attente vous n’avez pas de réponse c’est que la personne vous a lu mais n’est pas interessée, ou alors éventuellement que ce n’est pas bon canal pour lui parler du sujet (c’est plus rare)
  • Un décisionnaire est une machine à prioriser un budget. Plus une entité a de budget, plus elle est prise d’assaut. L’essentiel du job d’un dirigeant consiste donc à refuser des demandes de budget, parfois systématiquement sans réfléchir, pour pouvoir se concentrer sur les dossiers imbibés de larmes qui reviennent une deuxième fois sur son bureau.
  • Tout le monde ne joue pas, et au sein des joueurs, l’esport reste une relative niche. Rappelez que l’esport “ce sont les compétitions de jeu vidéo”, éventuellement avec un lien vers une présentation plus élaborée. Préférez un chiffre marquant et vérifiable plutôt qu’une accumulation. Exemple : Bercy ou le Zénith remplis chaque année uniquement sur LoL. Bref, imaginez que la personne que vous ciblez a reçu juste avant le pitch-deck de Team Vitality (c’est d’ailleurs probablement le cas)
  • Les grandes entreprises ont d’immenses contraintes externes (image, actionnaires) et internes (syndicats, salariés) qui sont essentiellement des freins à l’innovation. Un salarié du CAC40 passe le plus clair de son temps à protéger son business existant, son revenu et ses relations avec son chef. Pour le faire bouger, il faut que {bénéfices hypothétiques de l’esport} * {probabilité de réalisation} / {efforts pour pousser le dossier} soit supérieur aux bénéfices d’un simple déjeuner avec son chef. A moins d’un business dans un état lamentable ou d’une cible particulièrement réceptive à la nouveauté : vous partez de très loin et il faut l’accepter.
  • Les entreprises du CAC40 se comparent énormément, aidées en celà par une armée mexicaine de consultants McKinsey qui attisent les jalousies. Même quand l’objectif être d’être premier sur un segment, une grosse entreprise visera TOUJOURS “au plus juste” pour éviter les rendements décroissants. Il peut donc être utile de citer quelques concurrents du même secteur ayant investi l’esport, même si c’est rarement un argument décisif (en particulier à l’écrit). Des homologues concurrents ont également de nombreuses occasions d’échanger pendant l’année, donc pas d’exagération. En fait, le plus clair du temps, c’est comme le tour de France : le but n’est ni d’être premier (c’est cher et fatiguant), ni d’être dernier (c’est la honte), mais d’être dans la masse compacte du peloton se tenant chaud dans la côte de Mûr-de-Bretagne.
  • On l’oublie parfois mais les dirigeants sont humains, et leur capacité à gérer une usine à gaz se fait au détriment de leur capacité à gérer le reste, en particulier -vous l’aurez deviné- leur adolescent qui refuse de descendre manger parce qu’il n’a pas fini ses dailies sur Fortnite. Le temps d’écran est un problème sociétal qui est loin d’être réglé, qui ravive des débats sur les jeux vidéo que l’on pensait enterrés avec la Wii et qui laisse encore aujourd’hui bien des adultes perplexes voire agacés par les conflits familiaux occasionnés par ce loisir. Le chérubin de votre cible pourra donc être soit un allié soit un boulet, c’est une question de RNG.
  • Une rencontre face à face peut vous faire gagner des mois de prospection. Ecumer les salons professionnels, passer par votre oncle qui travaille au MEDEF ou attendre le PDG en bas de chez lui quand il sort ses poubelles, les possibilités existent : à vous d’être imaginatif.
  • Les budgets sont souvent déterminés de manière annuelle, avec le cycle suivant (pour le budget de l’année N+1) : préparation et première allocation l’été N, gestion des râleurs pendant l’automne N, cramage du budget non-dépensé et lancement d’études en fin d’année N, puis grand coup de frein du middle-management en début d’année N+1 pour se ménager de la marge de manoeuvre toute l’année, notamment pour faire face aux imprévus (coupures ou nouvelles demandes). Les bonnes fenêtres de tir sont : l’été pour mettre un gros sujet sur la table à l’étude et la fin de l’année pour récupérer des petites poches de budget. Le reste du temps, un nouveau sujet signifie l’enterrement d’un sujet déjà cadré et donc, des résistances beaucoup plus importantes. Pendant ces périodes creuses, peu de décisions seront prises donc prospecter gentiment, planter des graines et les arroser un peu tous les jours.

Vos cibles, si vous l’acceptez

Ne désespérez pas, beaucoup de choses restent faisables pour qui sait persévérer intelligemment. Petit tour des possibilités, avec (un peu) de mauvaise foi dont vous ne me tiendrez pas rigueur.

Esportif ayant trouvé du financement

A. Le marketing B2C — Priorité haute

  • Aime : le fric (sa structure de rémunération est indexée sur les ventes) et occasionnellement être créatif.
  • N’aime pas : les sujets trop compliqués et trop long terme.
  • Horizon décisionnel : 6 mois à 1 an.
  • L’avantage : c’est une cible riche et avec du levier
  • L’inconvénient : c’est une cible volatile et très forte en calcul mental.
  • L’angle d’attaque : comment l’esport peut l’aider à acquérir de nouveaux clients, ou fidéliser des clients existants (selon sa stratégie). Pour moins cher qu’aujourd’hui. Il sera sensible au panier moyen du gamer lors de la Paris Games Week et à la capacité à toucher une population distincte de celle qu’il adresse aujourd’hui (ce qui se prouve assez facilement avec facebook audience insights). Attention, un nouveau produit coûte très cher à développer et sauf exception une population cible de quelques dizaines de milliers de clients potentiels est souvent trop petite pour être considérée par une grande entreprise. AXA fait bien une assurance pour les esportifs mais à mon avis ça ne rapporte même pas de quoi couvrir le salaire de l’alternant qui a fait le communiqué de presse : il s’agit ici d’un enjeu d’image.
  • Plan B : l’esport c’est fun et en friche. Si vous sentez votre interlocuteur créatif, un essai flamboyant à petite échelle peut-être envisageable.

B. Le marketing B2B — Priorité basse

  • Aime : le fric et les restos avec ses clients.
  • N’aime pas : que le commercial de la rangée d’en face fasse des plus gros deals que lui.
  • Horizon décisionnel : 2 à 5 ans selon les business
  • Hors sujet ici, car l’esport représente sauf exception de trop petits volumes financiers pour passionner le B2B.

C. Les ressources humaines, côté recrutement — Priorité moyenne (voire haute pour une entreprise en forte croissance)

  • Aime : recruter pour le moins cher possible
  • N’aime pas : qu’on lui rappelle que ce sont les opérationnels qui ont le dernier mot.
  • Horizon : 1 an, car les politiques de recrutement peuvent changer très vite selon la stratégie. Une entreprise en difficulté peut brutalement cesser tout recrutement et couper tous les robinets budgétaires associés.
  • L’avantage : bonne connaissance des digital natives.
  • Inconvénient : en général, moyens faibles car le sourcing est rarement la priorité dans une entreprise mature (même si elle communique le contraire)
  • L’angle d’attaque : Pour simplifier, le recrutement est au futur employé ce qu’est le marketing est au potentiel client. Les moyens en moins, car la stabilité de l’emploi dans une grande entreprise fournira toujours un afflux régulier de CV, donc pas la peine d’en rajouter. L’esport permet il de recruter moins cher ?…probable, mais ça reste à démontrer. Evidemment si vous arrivez avec 20 CV des joueurs de votre promo, tout se discute.
  • Plan B : Comme in fine le recrutement est au service des opérationnels, on peut envisager une approche bottom-up en ciblant un département qui a particulièrement du mal à recruter (voir la section CTO) qui pourra à son tour suggérer l’esport à son recrutement.
Enzo : “Actuellement je main Hanzo”

D. Les ressources humaines, côté gestion du niveau de (mé)contentement des salariés — Priorité moyenne

  • Aime : des salariés heureux pour le moins cher possible et ne pas trop dévisser dans le classement glassdoor ou expand de désirabilité des employeurs
  • N’aime pas : un turnover trop supérieur à la cible, les plans sociaux et les dossiers de réorganisations pour les syndicats (qui pourtant sont 95% de son quotidien : ce job est un mystère pour moi)
  • Horizon : en général, noël pour les chèques cadeaux mais potentiellement jusqu’à 10 ans pour les considérations de pyramide des âges.
  • L’avantage : il y a toujours un programme de satisfaction des salariés auquel se raccrocher budgétairement, éventuellement par le truchement d’une des nombreuses associations comme le comité d’entreprise, le pro-bono etc.
  • L’inconvénient : les interlocuteurs sont éparpillés et donc le budget fractionné, difficile de mobiliser plus que quelques milliers d’euros.
  • L’angle d’attaque : il faut mettre le pied dans la porte, organiser un évenement gaming interne (compétition, séance de découverte VR, dédicace avec une personnalité du gaming) pour quelques milliers d’euros, puis travailler le relationnel avec les personnes clé et faire monter le curseur progressivement. Proposer également la mise en place d’une communauté gaming sur le réseau social d’entreprise, quand elle n’existe pas déjà. Sinon évidemment s’appuyer dessus.

E. Les achats — Priorité basse

  • Aime : bluffer, négocier puis manger avec ses fournisseurs.
  • N’aime pas : que les opérationnels traitent par des circuits parallèles.
  • Horizon : 1 à 2 ans pour les plus gros contrats.
  • Hors-sujet ici, sauf éventuellement lors d’une signature d’un éventuel contrat qui devra de toute manière émaner du donneur d’ordre interne, habitué à gérer les caprices des achats.

F. Le Chief Tech Officer — Priorité basse

  • Aime : Avoir le plus gros budget de la place
  • N’aime pas : que les GAFA lui piquent ses ingénieurs, parce que quand il dit que les meilleurs ingénieurs sont chez lui, il sent confusément qu’il ment.
  • Horizon : 1 an
  • L’avantage : Sans tech, les entreprises ne sont plus rien, donc il y a de l’argent. Le marché de l’emploi très tendu, et les populations tech adorent le jeu vidéo, donc l’esport peut être un facteur d’attractivité. Enfin le CTO siège aujourd’hui la plupart du temps au comité de direction.
  • L’inconvénient et donc l’angle d’attaque : Il y a fort à parier que le CTO soit lui même un ancien geek, seulement sous la cravate et l’air sérieux ce n’est pas toujours évident. D’ailleurs, il le cache à ses clients de peur de perdre un statut laborieusement acquis. Le CTO est en général moins porté sur le “pourquoi” et plus sur le “comment”. L’objectif est donc de lui fournir des arguments pour qu’il puisse lui même justifier l’initiative auprès de sa direction (qui elle s’occupe du “pourquoi”). Par ailleurs les CTO sont plus lisibles (nombreux articles dans la presse tech) et plus accessibles (salons), l’approche directe ou par les lieutenants est envisageable.
  • Le plan B : monter un partenariat avec une école courtisée par l’entreprise.

G. Le digital office, l’innovation — Priorité haute

  • Aime : avoir un data plus big que les autres, installer un robot à l’accueil et organiser des cocktails en VR
  • N’aime pas : que d’autres départements fassent du big data sans lui demander l’autorisation.
  • Horizon : 250 ans
  • L’avantage : Le Chief Digital Officer c’est un peu le Fou du Roi. On le paye grassement pour que le CEO puisse justifier du caractère innovant de son entreprise et comme il vit dans le futur, c’est très difficile de prouver qu’il a tort. Il jouit donc d’une certaine immunité.
  • L’inconvénient : En interne, tout le monde le déteste à cause de son immunité. Si vous signez avec le Chief Digital Officer ou le grand prêtre de l’innovation, votre contrat sera cassé dès que les forces internes auront eu sa peau. Autre problème : dans une grande entreprise les modes de l’innovation et du digital ont tellement bien pris qu’il y a des dizaines voire des centaines de decoy, dont la plupart n’ont aucun pouvoir décisionnaire. Attention donc à ne pas vous noyer commercialement.
  • L’angle d’attaque : présenter l’esport comme une rupture totale. Si vous arrivez à faire rêver le CDO et que vous parvenez à raccrocher l’esport à une de ses problématiques métiers, alors il y pourra porter votre sujet assez haut et avec son skill principal : l’éloquence. Tout comme CTO, vous trouverez les prédictions de Nostradamus dans de nombreux articles en ligne, qui vous permettront de travailler le dossier en amont (type de personnalité du CDO, influence réelle, stratégie, etc.)
Chargé d’innovation dans un grand groupe

H. La communication interne — Priorité basse

  • Aime : changer le look de la page d’accueil de l’intranet et les templates powerpoint de l’entreprise.
  • N’aime pas : qu’on lui envoie un article après la date de cloture de la newsletter interne.
  • Horizon : 1 mois
  • Hors-sujet ici, la communication interne étant assujettie aux services de gestion du bonheur au bureau (RH) ou pilotée directement par les business units qui décident.

I. La communication externe — Priorité haute

  • Aime : un audit de marque qui montre une amélioration d’une année sur l’autre (modérée, sauf si on a l’intention de laisser son successeur gérer la redescente) ; occasionnellement, un spot de pub original sélectionné par CulturePub pour faire le marlou.
  • N’aime pas : les bad buzz, et devoir vendre des produits peu attractifs (ex : un produit d’assurance pour des emprunts viagers)
  • Horizon : budgétairement, 1 an, mais selon l’interlocuteur ça peut être de 3 à 5 ans pour un repositionnement stratégique de marque.
  • L’avantage : population de décideurs avec un rattachement hiérarchique intéressant, personnalités créatives qui de plus seront sensibles à une accroche émotionnelle et nouvelle.
  • L’inconvénient : moins d’argent que le marketing, mais pour les grosses entreprises il y a malgré tout largement de quoi faire. Attention, le sponsoring et le mécenat sont typiquement rattachés à cette division et les budgets sont lockés parfois plusieurs années à l’avance, ce qui réduit les ouvertures possibles. Une opportunité ratée peut fermer le créneau pour plusieurs années. C’est également une population qui a une peur bleue du bad buzz, et qui vous attendra au tournant sur, entre autre mais pas que : le sexisme, la mixité, l’addiction, le dopage, les lootbox, la fusillade de Columbine, les fabricants de téléphone qui trichent sur les benchmarks 3D et les traces de métaux lourds dans la sauce piquante. Bref venir préparé, pédagogue et surtout patient.
  • L’angle d’attaque : utiliser la métaphore sportive, avec le twist de la modernité et la possibilité d’investir maintenant pour être présent quand l’esport sera énorme. Métriques, segments de cible, adéquation avec les valeurs de la marque, c’est probablement la cible qui requiert le plus de travail mais également celle qui assurera la meilleure récurrence de revenus. Raison pour laquelle éditeurs, équipes et associations ont déjà massivement attaqué ce flanc. Prévoir une grosse compétition et des interlocuteurs déjà propalés de multiples fois.
  • Le plan B : tenter des approches alternatives : passer par un intermédiaire déjà bien introduit (qui se servira au passage), organiser des petits évenements pour se faire connaitre ou fournir des invitations pour des évenements emblématiques (type PGW ou finale LoL à Bercy)

K. Le comité de direction — Priorité basse

  • Aime : ses actionnaires, le pouvoir et faire attendre sa cour en arrivant 15 min après tout le monde en réunion.
  • N’aime pas : les journalistes, les syndicats et les contrôles fiscaux.
  • Horizon : en théorie le plus long possible dans l’entreprise si c’est un patron visionnaire (Jobs). En pratique, entre 1 et 2 ans parce qu’il sait que tout le monde veut sa peau.
  • Hors de portée, sauf si dans votre équipe de Counter-Strike il y a le fils d’un grand patron, et qu’il entretient de bonnes relations avec son père.

L. Les salariés — Priorité moyenne

  • Mention spéciale aux salariés d’une entreprise, qui à défaut de pouvoir ou de moyens peuvent être une formidable source d’insider informations, de contacts, voire même le début d’un grassroot movement. 50 salariés ça fait un club, une équipe interne de League of Legends, de quoi faire un petit évenement gaming sympa, et quand les conditions sont réunies un relai interne pourra accélérer le mouvement. Hommes, femmes et ne-se-prononcent-pas, on le sait : vous êtes le Sel de la Terre.
Conférence sur l’esport et la mixité (année 2018)

Le CAC40 ne répond pas, et maintenant ?

Tout d’abord, bravo d’être arrivé jusqu’ici : j’ai pourtant essayé de te perdre en route.

Maintenant, je suis navré de te décevoir Enzo, mais le CEO de Total ne signera jamais avec ta team “Les CyberPingouins”. Avec les FNATICs à la rigueur pourquoi pas, mais toi tu es trop petit : la somme dont tu as besoin pour 1 an est inférieure avec ce que coute à Total 1 heure du temps de son CEO.

Pourquoi donc t’es tu tapé ce mur de texte ? Parce que comme ça, quand tu vas attaquer une grosse fintech, la mairie du coin, une agence de pub qui veut percer dans l’esport mais qui a besoin d’experts, tenter une levée de fonds ou monter un dossier de subvention, les questions seront strictement les mêmes : quel est le pouvoir réel de mon interlocuteur ? quelle est sa motivation ? où est ce que je peux lui parler de vive voix ? combien puis-je lui demander ? a t’il reçu les slides de Webedia ou de Vitality en premier ? son gamin joue t’il à Fortnite ? et de quoi a t’il besoin pour convaincre son chef d’investir ?

Au final, c’est le jeu du trombone qu’on échange contre un crayon, qu’on échange contre clavier et ainsi de suite jusqu’à avoir une maison : il faut démarrer petit, définir une stratégie d’approche, ne pas se décourager et augmenter les enjeux à mesure que vous gagnez de l’XP et des points de charisme. L’esport c’est plus qu’un jeu : c’est du sérieux.

Je dédicace ce guide à

  • Laurent, qui j’en suis sûr va faire décoller l’esport dans sa boîte
  • Patrice, qui m’a recruté il y a 15 ans parce qu’on était tous les deux des fanboys Nintendo
  • François, qui m’a appris à percevoir les vessies derrière les lanternes
  • et à tous les passionnés d’esport qui vont se faire claquer 1000X la porte au nez mais qui finiront par s’imposer : nous sommes légions.

Avez vous lu “Le journal d’un intrapreneur” ?

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